Déclassement des salaires : pourquoi il serait raisonnable d’augmenter les enseignants d’au moins 20% sans contrepartie

[MAJ du 16/12/2021]

La pétition dont il est question à la fin de cet article a été classée de manière prématurée hier par le président de la commission éducation de l’Assemblée Nationale : https://twitter.com/stylos_les/status/1471363208678154245
Il n’est donc plus possible de la signer, alors que son expiration devait initialement intervenir en juin 2022.

[Fin de la MAJ]

Ces derniers temps, certains articles de presse parlent de la revalorisation des retraites complémentaires Agirc-Arrco, qui est inférieure à l’inflation depuis quelques années. Ceci entraîne donc une perte de pouvoir d’achat pour les retraités.
Or, cela fait au moins 20 ans que les enseignants français se trouvent dans cette situation : 20 ans de salaires qui augmentent moins vite que l’inflation, 20 ans de perte de pouvoir d’achat.
On observe un véritable décrochage des traitements de la fonction publique par rapport au coût de la vie. Et ce décrochage est encore pire si on le compare aux salaires du secteur privé.
Cet article se focalise sur le traitement des fonctionnaires de catégorie A, dont font partie les enseignants, mais un constat similaire peut être fait en ce qui concerne les fonctionnaires des autres catégories.

Depuis début 2001, le SMIC horaire brut a augmenté de 63% et le salaire net médian équivalent temps plein du secteur privé de 46,5% (donnée de 2019, les données plus récentes n’étant pas encore disponibles).
Pendant ce temps, l’indice des prix à la consommation a progressé de 37,9%. Les salaires ayant augmenté plus rapidement que les prix, le pouvoir d’achat des employés du secteur privé a augmenté dans le temps.
Pendant la même période, les traitements de la fonction publique ont progressé moins rapidement que les prix, entraînant une perte de pouvoir d’achat. L’indice de traitement net de la catégorie A n’a augmenté en effet que de 10,3%.

L’indice de traitement net pour la catégorie A de la fonction publique est un indice calculé par l’INSEE dont l’évolution est similaire au traitement net de l’ensemble des fonctionnaires de cette catégorie. Cet indicateur ne prend pas en compte les primes, dont le montant est de toute manière assez faible dans l’Éducation Nationale, et dont les revalorisations, à l’instar de celles de l’ISOE, se font très rares et peu généreuses, mais il tient compte à la fois des revalorisations du point d’indice et des changements dans le nombre de points d’indice majoré (qu’il s’agisse des changements individuels dus à l’avancement de carrière ou bien des changements collectifs dus à des réformes). L’INSEE fournit une fiche méthodologique expliquant le mode de calcul de cet indice de traitement net.

Il faudrait que le traitement net des enseignants augmente de 25 % pour compenser le retard accumulé en terme de pouvoir d’achat (de manière à rattraper l’indice des prix à la consommation).
D’après un rapport déposé récemment au Sénat par Gérard Longuet, les enseignants ont perdu entre 15 et 25% de pouvoir d’achat en 20 ans. Pour compenser cette diminution, une hausse de 17,5 à 33% serait nécessaire. Le chiffre de 25% ci-dessus se trouve ainsi dans cette fourchette, ce qui semble cohérent.

Afin de garantir la même progression du pouvoir d’achat que pour le salaire net médian des salariés du secteur privé, cette augmentation devrait même être de 33 %.



On remarque cette tendance également dans les données de l’OCDE, les salaires des enseignants ayant baissé en France alors qu’ils ont en moyenne augmenté dans les autres pays. L’augmentation que l’on note en 2020 sur le graphique ci-dessous semble coïncider avec l’introduction de nouvelles heures supplémentaires que les enseignants ne peuvent refuser, et ne traduit donc pas une augmentation à quantité de travail constante.
Le café pédagogique note, en se basant également sur les données de l’OCDE, que les enseignants français effectuent en moyenne plus d’heures de cours tout en étant moins bien rémunérés que la moyenne des autres pays : « Sur 33 systèmes éducatifs étudiés par l’OCDE, la France est au 22ème rang pour le coût salarial de ses enseignants. Aucun grand pays développé ne dépense aussi peu pour ses enseignants. »

Jean-Michel Blanquer a récemment augmenté le salaire des jeunes enseignants en introduisant une nouvelle prime. Cela représente une augmentation d’environ 6% pour les professeurs certifiés en tout début de carrière, mais ce pourcentage diminue très rapidement dès les première années d’ancienneté. C’est un premier geste, cependant il ne concerne qu’une minorité d’enseignants, la plupart d’entre eux ne bénéficiant que d’une prime d’équipement informatique de 150€ par an.
Jusqu’à présent on est donc loin de rattraper le retard accumulé en 20 ans.

Ce déclassement salarial des enseignants français n’est pas compatible avec l’importance du service public d’éducation, et ce sont, in fine, les élèves eux-mêmes qui pâtissent de cette politique de sape.
Rémunérer les enseignants à leur juste valeur permettra de rendre le métier de nouveau attractif et de mettre fin à la crise des vocations qui fait que depuis de nombreuses années les concours ne font plus le plein, laissant toujours plus de postes non pourvus.
De la qualité de la rémunération découlera la qualité du recrutement, dont découlera à son tour la qualité de l’enseignement.

La pétition suivante demande à l’Assemblée Nationale l’examen d’une augmentation de 20% du salaire des enseignants :
https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-282 .
Au vu des données de ces vingt dernières années, cette demande est on ne peut plus raisonnable.
Un débat en séance publique aura lieu sur cette pétition si un minimum de 500 000 signatures est atteint. La France comptant environ 870 000 enseignants, cet objectif est donc parfaitement atteignable si l’on parvient à faire connaître cette pétition, ainsi que son bien fondé, au plus grand nombre.

QR code vers la pétition

Données brutes :
SMIC horaire
Salaires du secteur privé jusqu’à 2018 et en 2019
Indice des prix à la consommation
Indice de traitement net de la catégorie A de la fonction publique
Salaires des enseignants de l’OCDE

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